Émergeant doucement de son sommeil Malia ouvrit difficilement les yeux et fut instantanément éblouie par les rayons de soleil qui s'échappaient de ses volets fermés. Se retournant sur le ventre, elle enfouit son visage dans son oreiller pour ne plus être dérangée par la lumière. Quelques instants plus tard une envie pressante lui prit, la forçant à se lever. Alors qu'elle ouvrit délicatement la porte de sa chambre, elle jeta un coup d’œil à son réveil qui affichait huit heure trente. Entendant des bruits de voix qui provenaient du salon, elle comprit que ses parents étaient déjà prêt à partir au travail. Ne voulant pas se faire remarquer, elle se dirigea alors sur la pointe des pieds vers les toilettes. Une fois qu'elle eu finit, elle se lava rapidement les mains et retourna aussitôt dans sa chambre. Cependant lorsqu'elle passa devant la chambre de son défunt frère elle s'arrêta instinctivement. En effet, il avait perdu la vie comme des centaines d'autres victimes lors de la fameuse tempête. Celle qui était encore ancrée dans la mémoire de nombres de personnes, dont Malia.  Elle sentit alors une vive douleur se propager dans son ventre alors qu'elle portait sa main sur la porte. Elle savait que Siobhán avait prit place avec sa fille dans cette pièce, mais elle ne put s’empêcher de fermer les yeux quelques secondes afin de se remémorer le visage de son jumeau à travers ce bout de bois. Toutefois lorsqu'elle sentit les larmes arriver, elle retourna aussitôt dans sa chambre. Dans un soupir, elle prit de nouveau place dans son lit, s'allongeant sous ses couvertures. Malia n'arrivait définitivement pas à contenir ses larmes, les images de cette scène tournant sans-arrêt dans sa tète comme un film. Elle aurait aimé pouvoir appuyer sur ce bouton stop, pour pouvoir rembobiner ce film et modifier ce moment là. Depuis ce jour là, elle rêvait chaque soir de ce qu'il s'était passé. La voiture. L'arbre. Puis plus rien. Malia n'arrivait pas accepter ce fait. Elle ne pouvait tout simplement pas accepter que son frère ne soit plus de ce monde. Se sentant responsable de ce qu'il s'est passé, elle se demandait pourquoi lui. Il ne méritait pas de partir, pas aussi tôt. Malia ne comprenait pas. Elle ne comprenait pas pourquoi elle n'était pas morte elle aussi. Pourquoi ils avaient été au mauvais endroit au mauvais moment. Pourquoi ses parents continuaient de vivre comme si de rien n'était. Pourquoi allaient-ils au travail alors que leur fils venait de perdre la vie. La brune, elle, se sentait anéantie.

Kaneo. Il était là, juste devant elle. Il lui tenait la main. Il souriait alors elle souriait aussi. Elle ne savait pas où ils étaient mais elle s'en fichait. Il était là, à ses côtés et c'est tout ce qui importait. Soudain, le décors se transforma. Les murs blancs devinrent noirs, et le sol disparu. Il lui lâcha la main et son sourire s’effaça. Pourtant il l'a regardait toujours, ses prunelles étaient ancrés dans celles de Malia. Petit à petit, cette-dernière se rendit compte qu'il s'éloignait. Ses pieds ne bougeaient pas mais le fossé entre eux s'agrandissait bel et bien. Elle courait, elle tentait de le rattraper. Elle avait mal mais n'en prit pas compte, tentant tant bien que mal d'agripper sa main. Elle allait enfin y arriver lorsqu'une lumière blanche l'éblouit. Elle ferma ses paupières un instant, mais il était déjà trop tard. Il était partit. Il s'était engouffré à l'intérieur de cette lumière blanche. Elle était désormais seule au milieu de nul part. Elle avait peur, elle criait, elle pleurait. Elle l’appelait à plein poumon, Kaneo, Kaneo, mais pour seule et unique réponse elle n'entendait que sa propre voix qui retentissait encore et encore. Sa gorge lui brûlait, ses jambes tremblaient. Les ombres s'abattirent alors sur elle.

Se réveillant en sursaut, Malia laissa échapper un cri. Les larmes coulaient, son rythme cardiaque s'accélérait, elle avait peur. Elle avait mal. La jeune brune se redressa alors, essuyant les gouttes de sueur qui perlaient de son front. Elle avait chaud tout en ayant froid. Les larmes coulaient toujours autant. Elle se recroquevilla alors sur elle-même pour étouffer les bruits de sa respiration saccadée dans ses vêtements, tentant de se calmer.

Siobhán & Malia

I'M STILL BLEEDING

« Lorsqu’un ami traverse une tempête, ta présence est beaucoup plus importante qu’un million de mots vides de sens. » Lorsqu’elle avait vu cette citation, Siobhán n’avait pu s’empêcher de penser à sa meilleure amie, Malia. Depuis que la tempête s’est abattue sur Lakeview, il est clair que Malia broie du noir, et c’est tout à fait compréhensible. Elle a perdue son frère lors de la tempête, frère qui était aussi le meilleur ami de Siobhán. Forcément, elles sont touchées par cette perte, mais la blonde sait que c’est d’autant plus dur pour Malia. Kaneo était son jumeau. Siobhán est au courant de leur histoire, comme quoi ils viennent tous les deux des Philippines et qu’ils ont été adoptés par les Hodson il y a quelques années. De ce fait, c’était tout à fait compréhensible qu’ils soient très proches tous les deux. D’ailleurs, Siobhán se sentait parfois à l’écart avec eux deux, mais elle ne leur disait pas pour autant. Elle sait que le lien entre un frère et une sœur, d’autant plus jumeaux, peut être très fusionnel. Dans tous les cas, Malia n’était pas bien depuis la tempête, et c’est normal puisqu’elle était dans la voiture, avec Kaneo à ce moment. Siobhán, elle, était dans sa boutique de vêtements quand elle a entendu les informations à la radio, et elle s’est précipitée vers la garderie pour retrouver sa fille, Eanna. C’est d’ailleurs pour sa fille que Siobhán arrivait à surmonter un peu cette épreuve. La blonde voulait faire passer le bonheur de sa fille en priorité. Tout simplement parce que la pauvre, n’a pas eu des moments faciles dans sa vie. Il ne faut tout de même pas oublié que le fiancé de Siobhán et père d’Eanna ait disparu suite à l’une de ses missions dans l’armée.

Siobhán se réveilla tôt ce matin, puisqu’Eanna ne dormait plus. De toute évidence, la blonde avait le sommeil léger depuis quelques temps. Et de savoir qu’elle dormait actuellement dans la chambre de Kaneo, c’était vraiment trop bizarre. Les parents de Kaneo et Malia avaient été adorables de l’héberger suite à la tempête. En effet, sa maison a été en partie détruite lors de la tempête, et le temps qu’elle soit reconstruite, la famille Hodson a acceptée qu’elle vienne vivre avec sa fille, chez eux. Cependant, par manque de place, elle se retrouve dans la chambre de son meilleur ami. Autant dire clairement que c’est pour cette raison qu’elle a beaucoup de mal à trouver le sommeil, et parce qu’elle est tellement tracassée par tellement de choses ces derniers temps. Dans tous les cas, elle cherchait un moyen de faire en sorte que sa petite Eanna puisse se rendormir. Une fois que sa fille trouva de nouveau le sommeil, Siobhán quitta un instant la chambre de Kaneo pour retrouver les parents adoptifs de ce dernier et de Malia. Ils étaient en train de prendre leur petit déjeuner, avant d’aller travailler. Même si ils n’en parlaient pas, Siobhán se doutait bien que s’ils retournaient travailler aussi rapidement, c’était pour ne pas penser à Kaneo et à ce qui s’est passé lors de cette tempête. Une fois qu’ils furent hors de la maison, Siobhán retourna dans sa chambre, en essayant de ne pas faire de bruit pour ne pas réveiller Eanna, ou même Malia puisque leurs chambres se trouvaient non loin de l’autre.

Siobhán s’installa sur son lit, bouquinant un peu quand elle entendit un cri dans la chambre d’à côté. Il n’y avait plus que Malia et Eanna, autre qu’elle, dans la maison alors elle se doutait bien qu’il s’agissait de sa meilleure amie. Rapidement, la blonde sortit du lit et courra vers la chambre de Malia, ouvrit la porte et remarqua qu’elle était recroqueviller sur elle-même, en larmes. Siobhán n’aimait pas la voir ainsi, c’était un supplice pour elle de voir à quel point Malia avait perdu goût à la vie en perdant son frère. Rapidement, Siobhán se rapprocha de sa meilleure amie, s’assit sur le lit, et la prit dans ses bras, avant de lui caresser le dos pour la calmer. « Chut, calme-toi. J’suis là. » Elle se doutait bien qu’elle avait encore fait un cauchemar, mais elle ne savait pas forcément trouver les bons mots, face à la perte de Kaneo. Elle aussi est affectée par cette perte, mais c’est tellement différent.

Alors que Malia venait de se réveiller en sursaut, elle se redressa et se recroquevilla sur elle-même, ramenant ses genoux à quelques centimètres de son front et entourant ses jambes de ses deux bras. Les ongles de ses doigts s'enfonçaient dans le tissu de son pyjama tant elle serrait ses vêtements. Kaneo, il était là devant elle. Encore une fois. Elle détestait ça. Elle détestait revoir son visage en rêve, elle détestait la puissance avec laquelle ses prunelles semblaient sonder son esprit, elle détestait sentir le frôlement de sa main contre la sienne. Elle avait l'impression de devenir folle et de sombrer dans le chagrin jour après jour. Cette douleur était tellement forte, tellement présente. Comment l'ignorer ? Elle avait l'impression de perdre le contrôle de son corps et de son esprit. Les larmes coulaient malgré sa volonté, ses souvenirs, ses rêves ou plutôt ses cauchemars subvenaient chaque nuit. Elle en avait marre, quand est-ce que tout cela prendra fin ? Le monde lui rappelait chaque seconde que c'était uniquement de sa faute si il n'était plus là aujourd'hui. Elle aurait tellement préféré partir à sa place. Oui, il ne méritait pas de partir si tôt.

Alors qu'elle était toujours recroquevillée sur elle-même, Malia entendit à travers le bruit de ses sanglots la porte de sa chambre s'ouvrir en trombe, et sentit deux bras qui l'entourèrent aussitôt. Quelques mèches de cheveux retombèrent dans l'espace que laissait apparaître sa tète contre ses jambes. Malgré les larmes qui coulaient sur son visage, Malia reconnut immédiatement cette chevelure blonde. Toutefois la brune ne bougea pas pour autant. Sans attendre une seconde de plus, comme pour confirmer son hypothèse, Siobhán brisa le silence rythmé par la respiration saccadée de la brune. Elle lui fit comprendre qu'elle était là. Oui mais Kaneo aussi avait été là. Lui aussi avait entouré sa main autour de celle de Malia. Pourtant, cela ne l’empêcha pas de perdre la vie. « Kaneo... il... il était là. » finit-elle par articuler, en relevant enfin sa tète vers sa meilleure amie. Elle abandonna alors sa précédente pose pour finalement venir se loger dans les bras de Siobhán, enfouissant son visage au creux de son cou. Malia savait qu'elle pouvait se reposer sur Siobhán. La connaissant depuis qu'elle était arrivée en Amérique, soit depuis ses cinq ans, ce fut la seule et unique personne dont Malia la timide put se rapprocher aussi fortement. Aujourd'hui elle était surement la seule personne au monde qu'elle pouvait et devait voir à ce moment là. Malia savait qu'elle n'avait pas besoin de parler pour que sa meilleure amie la comprenne. La voir dans cet état là, devait lui suffire pour constater que c'était encore un de ces cauchemars dont Kaneo était le protagoniste principal. Malia avait donc besoin de sa meilleure amie, besoin du soutient et de l'amour qu'elle pouvait lui apporter pour surpasser cette épreuve de la vie. Toutefois, pour Malia, cette épreuve semblait loin d'être surpasser puisqu'il fallait avant tout l'accepter. Accepter que son jumeau ne soit plus là, accepter qu'elle soit désormais séparée de lui pour toujours.  « Ça fait mal Siobhán... j'ai... j'ai mal. » dit-elle entre deux sanglots. Son débit de parole se réduisant à quelques mots, elle ne parvenait pas à exprimer au combien la douleur était palpable. À vrai dire, elle ne pensait plus à rien. Son chagrin étant aussi grand que son accablement, seule l'image de son défunt frère était présente dans sa tète.