2003. cause I've got an elastic heart« Alors ça y est… Ma princesse préférée me quitte… ». Je lève les yeux avec un faible sourire. Nate s’approche lentement et vient s’asseoir près de moi.
« Newport n’est pas si loin… Et puis je rentrerai les week-ends… ». Il hoche doucement la tête et avale une longue gorgée de sa bière, mais ne réponds rien. A la place, ses yeux se perdent lentement dans le vague. Son regard se voile. Il s’éloigne de moi. Et même s’il ne veut rien me dire, je sais que quelque chose lui fait mal. Je le connais Nate. Je le connais par cœur. Je peux lire en lui comme il peut lire en moi. Ça a toujours été comme ça entre nous, peut être à cause du lien spécial qui nous unit. Pourtant chaque fois qu’il affiche ce regard, je ne le reconnais plus. Ce n’est plus le Nate que j’ai toujours connu. Ce n’est plus mon Nate. Il a changé depuis quelque temps. La relation qu’il a avec moi à changé. Il devient plus distant. Il se confie beaucoup moins et par moment, j’ai l’impression que je suis en train de le perdre. Et ça fait mal… ça fait mal parce que je ne peux pas imaginer ma vie sans lui. Je ne peux pas imaginer ma vie sans mon frère. Je le veux là, près de moi. Pour toujours. Doucement, je me blottis contre lui et pose la tête sur son épaule pour essayer de le ramener à l’instant présent. Répondant à mon appel, il m’entoure de son bras et me caresse doucement le dos. Je ferme les yeux, respire son odeur. Soupir de plaisir. Profite à fond de ces derniers instants passés avec lui. Demain, je ne le verrai plus. Demain, j’entamerai ma première année au lycée de Newport, et ce sera la première fois que je resterai loin de lui si longtemps.
« Toi aussi tu vas me manquer… Grand frère. ». Un timide sourire aux lèvres, je dépose un baiser sur sa joue. Mais sa réaction n’est pas celle que j’attendais. Contrairement à d’habitude, il ne me rend pas mon bisou. Son regard ne brille pas de l’affection qu’il a toujours eu pour moi. Au contraire, il semble surpris. Dérouté, même. Et brusquement il me lâche, s’écarte à nouveau de moi. Le retour de monsieur girouette… Je fronce les sourcils, à la fois blessée et sérieusement agacée par ses changements d’humeur. Pourquoi agit-il ainsi ? Pourquoi fait-il ça avec moi ? La confusion la plus totale s’empare de moi et je dois lutter pour refouler les larmes qui montent.
« Je peux savoir ce que je t’ai fais ?! ». Il tourne la tête. Nos regards se croisent. Ma question le surprend. Ou alors est-ce le ton que je viens d’employer qui le choque. Ma voix s’est faite plus cassante que je ne l’aurai voulu et il n’a pas l’habitude que je m’adresse à lui ainsi.
« Ce que tu m’as fais ? Billie tu ne m’as rien fais, pourquoi dis-tu ça tout à coup… ». Mes poings se serrent devant sa réponse et je sens la douleur prendre possession de moi. Parce qu’il se fiche de moi… Parce qu’il n’a même pas le courage de dire la vérité.
« Pourquoi ?! Mais si tu me disais les choses en face au lieu de continuer à me fuir, ça serait pas plus simple ?! Tu crois que j’ai rien remarqué ? Tu crois que j’ai pas vu que tu te comportais plus de la même façon avec moi ? C’est quoi ton problème putin Nate ! Qu’est ce que je t’ai fais pour que tu ne veuilles plus me parler ! ». Il ne répond pas, une fois de plus. Il se contente de tourner la tête et de se prendre le visage entre les mains. Je continue d’attendre. Mais il ne semble pas décidé. D’un coup, les larmes que je m’obstine à refouler depuis si longtemps jaillissent sans que je ne puisse plus rien contrôler. Elles inondent mes joues. Je les essuies rageusement et me lève, agacée par toute la scène. Agacée par lui, la seule personne qui réussit à me faire du mal. Agacée par moi, qui suis incapable de me contrôler en sa présence et qui vient de lui montrer ouvertement que j’étais faible.
« Je vais rejoindre les autres ». Oui, c’est la meilleure chose à faire. Ça ne sert à rien de passer la soirée à l’écart de tout le monde, à attendre bêtement des réponses qui ne viendront pas. C’est ma dernière nuit ici, alors autant profiter de la fête. D’une traite, j’avale ce qui reste de mon verre et me dirige vers les autres, bien décidé à en prendre un autre. Et puis un autre. Et encore un… Jusqu’à oublier totalement ce qui vient de se passer. Mais à peine ai-je fais un pas, qu’il se décide enfin à briser le silence.
« C’est toi mon problème, Billie… ». Ses paroles me clouent sur place. Je me retourne à demi vers lui et le fixe un moment, sans vraiment comprendre. Moi, un problème ? Ce n’était pas nouveau pourtant… J’étais comme ça depuis gamine. Un vrai petit démon prêt à faire les quatre cents coups. Mais il avait toujours aimé ça et m’avait même toujours couvert pour mes bêtises… Se pouvait-il qu’il se soit lassé ? Qu’il en ai marre de moi ?
« Je comprends vraiment rien là. ». Ma voix tremble sans que je ne puisse l’en empêcher. Il se lève à son tour et s’approche pour me faire face. J’attends la suite. Mais il n’ajoute rien. Nos yeux se rencontrent et je remarque alors que son regard a encore changé d’expression. Mais ce n’est plus la distance que je perçois à travers ses prunelles. C’est quelque chose de plus fort, de plus intense. Quelque chose qui réveille cette petite flamme vacillante qui sommeille là, au fond de moi. Lentement, il lève sa main et vient la poser sur ma joue qu’il caresse du bout des doigts. Je tressaille, surprise, mais ne bouge pas. Alors la flamme grandit, enflamme progressivement chaque terminaisons nerveuses de mon corps. Et l’incendie se propage, incontrôlable…
« Tu as changé, Billie. » ... Puis s’éteint brusquement. Ses paroles me font l’effet d’un seau d’eau froide et le feu disparait aussi soudainement qu’il est apparu. Je recule d’un pas, ne pouvant pas croire qu’il est en train de confirmer mes doutes.
« Changé ?! Nate, non… Je n’ai pas changé, je suis toujours la même… Ta Billie, ta petite sœur… » A nouveau je peux sentir le goût salé des larmes inonder mes lèvres et je tourne la tête pour lui cacher ce spectacle pitoyable. Mais sa main stoppe mon geste après s’être rapprochée de moi. A la place il saisit mon visage et me force à la regarder.
« Non, ce n’est pas ce que j’ai voulu dire princesse… Tu as changé parce que tu as grandi, tu n’es plus la petite fille d’avant… Regarde-toi, tu es devenue une jeune femme magnifique… » Ah… Et ? Je ne suis pas sure de comprendre et me mordille la lèvre, nerveuse. Ce qu’il dit parait logique. Pourtant j’ai l’impression que ses paroles cachent autre chose… Soudain, il pose un doigt sur ma bouche pour stopper mon geste. Ce que je fais aussitôt. Mais son pouce ne s’éloigne pas pour autant. Lentement, je le sens caresser ma lèvre dans un geste qui n’a rien de familier pour moi. Je lève la tête et le regarde, incrédule. Totalement incapable de l’arrêter. Le feu qu’il vient d’éteindre se rallume lentement. Les battements de mon cœur s’accélèrent. Je peux sentir le sang pulser dans mes veines. Puis très lentement, il approche son visage du mien, et je comprends. Je panique. Je veux courir loin, mais mes jambes refusent d’avancer. Je veux lui dire que ce qu’il s’apprête à faire est une terrible erreur, mais aucun son ne parvient à franchir la barrière de mes lèvres.
Non Nate, ne fais pas ça… S’il te plait ne fais pas ça… Mais il le fait quand même… Je ferme les yeux à l’instant où nos bouches se rencontrent et l’espace d’une demi-seconde, une curiosité maladive s’empare de moi. Parce qu'elle veut savoir, madame curieuse.
Elle veut savoir, au moins une fois. Juste une fois. Elle veut savoir ce que ça fait d’embrasser le garçon auquel on tient le plus. Elle veut savoir ce qu’on ressent, quand on se met à brûler de l’intérieur. Quand chaque parcelle de son propre corps s’embrase et réveille cet instinct sauvage qui est là, en elle, mais dont elle ignorait jusque là l'existence. Puis tout à coup elle sent deux mains se poser sur ses hanches et l’attirer lentement contre ce corps familier et musclé. Ce contact la réveille, la ramène à la raison. J’ouvre brusquement les yeux, réalisant la terrible erreur qu’on est en train de faire et mon cœur s’affole, prend peur. Je m’écarte aussitôt, recule lentement, à la recherche d’une sortie de secours.
« Non, arrête Nate ! Arrête… On peut pas faire ça… T’es mon frère bordel… » « Techniquement non, je ne le suis pas Billie, rien ne nous empêche de… ». Je secoue la tête, totalement perdue et refusant d’en entendre plus.
Mon dieu non Nate, n’en dis pas plus. Il s’approche pour essayer de me calmer, mais je recule encore. Non, je ne veux plus qu’il m’approche. Pas comme ça. Pas ainsi.
« Non. Je ne peux pas. Je suis désolé Nate, mais je ne peux pas. ». Et avant qu’il est pu faire un geste, je m’enfuis et retourne me perdre dans la foule pour la fin de la soirée.
2006. when you hit me like a hurricane« Tu es magnifique ma chérie ce soir… On est si fier de toi, Peter et moi… Profite bien de ta soirée. » Je la serre dans mes bras et ne peut m’empêcher de sourire. Je suis si heureuse qu’ils soient là tous les trois, Nate, notre père et notre mère. Ils ont fait le déplacement jusqu’à Newport pour l’occasion. Notre bal de promo. Celui qui marque la fin du lycée et le début d’une nouvelle vie. Demain marque mon grand retour à Lakeview et même si je suis contente que l’école soit enfin terminée, quelque chose ici va me manquer.
« Merci Norah… » J’hésite un instant, puis je réalise que le moment est peut être venu.
« Il y a quelqu’un que je voudrais te présenter… Vous présenter, à Peter, Nate et toi. ». Elle me regarde, désormais curieuse, et j’adresse un petit signe au garçon qui se tient à distance derrière moi. Il prend ma main lorsqu’il arrive à ma hauteur et adresse un
bonjour poli à Norah.
« Voici Ethan. Il est dans la même équipe de surf que moi et on sort ensemble depuis trois mois maintenant ». Le visage de ma mère s’illumine et elle nous prend tous les deux dans ses bras.
« Oh ma chérie, c’est super. Je suis vraiment contente pour vous. Et je suis ravie de te connaitre, Ethan. Venez, venez, je vais vous présenter au reste de la famille ». Nate et mon père sont en train de discuter à une table et tournent en même temps leurs visages dans notre direction quand ils nous voient approcher. Mon père a l’air ravie et j’imagine qu’il se doute déjà ce qu’Ethan représente pour moi. Nate par contre, n’a pas la même attitude. Ses traits se figent quand il voit nos mains enlacées et son regard s’assombrit l’espace d’une seconde. L’instant d’après, il parait détendu et affiche un sourire poli. Personne n’a rien remarqué à part moi et j’imagine que je ne devrais pas me focaliser sur ce qu’il doit être en train de penser. Pourtant je ne peux pas m’en empêcher. Je sais que son sourire n’est qu’une façade et qu’au fond de lui, il a envie de partir d’ici. Il ne veut pas me voir. Il est énervé. Et cette réalité me fait mal. Je fuis son regard qui ne me quitte pas, sachant pertinemment que je n’ai pas la force de l’affronter. Comme si j’avais honte. Pourtant je n’ai rien fais de mal.
Non tu n’as rien fais de mal Billie. Si tu aimes Ethan, tu ne dois avoir honte de rien. Toi aussi tu as droit au bonheur. Peut être… Pourtant bizarrement, je ne me sens pas heureuse... Ethan discute quelques instants avec nos parents des études et du surf. Il leur explique qu’il a décroché une bourse et va continuer ses études. Je me sens gênée. Ethan est brillant, tout comme Nate. Au milieu, j’ai l’impression de faire tâche. Je suis l’une des rares de notre promo à ne pas aller à l’université. Mais je sais que ce n’est pas fait pour moi. Finalement, la conversation se termine et Ethan m’entraine sur la piste pour une danse. Nos corps se collent l’un à l’autre.
« Tu viendras me voir ? » Je lui souris.
« Évidemment. Je ne renonce pas au surf, je viendrais régulièrement et on s’entrainera ensemble ». Il m’embrasse sans prévenir. Mais pas de la même façon que d’habitude. Son baiser est plus dur, plus empressé. Puis avant même que je ne puisse réagir, il m’entraine au dehors.
« Viens… » Je m’arrête un instant, hésitante.
« Pour aller où ? » Il me sourit et affiche un air mystérieux.
« Tu verras… » Nous nous retrouvons sur le toit de l’école et mes yeux sont émerveillés. La hauteur nous offres une vue imprenable jusqu’à la mer. Mon élément. Notre élément…
« C’est magnifique vue d’ici… » « Oui, et il n’y a personne pour nous déranger… » D’un coup, Ethan se rapproche et se colle à mon dos. Je tressaille, mais ne bouge pas. Puis ses mains se posent sur mes hanches, dérivent sur mon ventre et commencent à monter lentement. Tout à coup la peur s’empare de moi.
« Ethan qu’est ce que tu… » Je cherche aussitôt à me dégager de son étreinte, mais il me tient fermement et je ne peux m’échapper.
« Chut… J’avais envie d’être seul avec toi Billie… » Ses mains s’insinuent lentement sous mon haut et effleure le bas de mon ventre. Mais je ne ressens rien. Je ne ressens absolument rien, à part l’envie pressante de partir d’ici. J’essaie de bloquer sa progression tandis qu’il m’embrasse l’épaule.
« Oui mais arrête pas ici, pas maintenant… » C’est trop rapide. Beaucoup trop rapide. Et je ne suis pas prête. Mais il ne m’entend pas et me plaque subitement au sol.
« Pourquoi ? Ça fait trois mois Billie qu’on est ensemble, et ça fait trois moi que tu me résistes… » J’essaie de me débattre mais il me tient fermement.
« J’ai besoin de temps Ethan, s’il te plait… » Sa main glisse lentement sous ma jupe et remonte le long de ma cuisse tandis que ses lèvres mordillent la peau de mon cou.
« T’as eu tout le temps Billie allez viens… Tu le regretteras pas. » Mais il n’y a rien à faire. Ce qu’il est en train de faire ne provoque rien en moi. Je ne ressens rien quand il me touche et je veux simplement qu’il me lâche. Je continue de me débattre et secoue la tête, au bord des larmes et morte de peur.
« Non Ethan, lâche-moi ! » Mais il ne m’écoute pas. J’ai beau hurler, il ne s’arrête pas. Je sens ma jupe glisser jusqu’à mes pieds. Puis il enlève à son tour son pantalon. Ma vue se brouille. Je n’y vois plus rien.
« S’il te plait, Ethan, s’il te plait… ». Au même instant, j’ai l’impression que mon corps tout entier se déchire. La douleur me paralyse et mes cris ne sont plus que des plaintes étouffées. C’est un cauchemar. Ce n’est qu’un cauchemar et je vais finir par me réveiller.
« Billie ?! Billie ! » Soudain
sa voix me ramène vers la lumière. Je prends conscience que tout est bien réel.
« Lâche-la tout de suite espèce de salopard ! » Nate se jette sur nous et attrape Ethan pour l’écarter. Je me relève doucement et remarque que son regard est rempli de haine. Qu’il lutte pour ne pas l’étrangler. Je n’entends pas ce qu’ils se disent, encore sonné par ce qu’il vient de se passer, mais Ethan finit par dégager. Nate se précipite aussitôt vers moi et me prend dans ses bras.
« Tu vas bien ? Tu n’as rien ? » Je secoue la tête, encore fébrile.
« N…Non, ça va… Il n’a pas eu le temps… Il n’a pas eu le temps… » Il me serre plus fort et je ferme les yeux.
« J’ai juste eu peur » « Chut… Je suis là maintenant. Je serai toujours là pour te protéger princesse, d’accord ? » Je hoche la tête, rassurée. Oui, je le sais. Je sais qu’il sera toujours là pour moi. Je lui fais confiance. Il a toujours été le seul à qui j’ai vraiment fais confiance…
2012. wanna hear you say yeah till my heart is open« Je peux entrer ? » Ma mère me regarde depuis le pas de la porte. Je lui fais signe que oui. Elle s’approche et s’assoit sur mon lit. Je serre un coussin contre moi.
« Je vous connais, toi et Nathaniel tu sais. Et je sais ce qu’il se passe entre vous. » Je lève aussitôt mes yeux vers elle, surprise. C’est impossible. Comment peut-elle le savoir ? Alors que j’ignore moi-même ce qui nous arrive.
« Ça s’appelle l’amour ma chérie. » Je détourne la tête. Quelque chose en moi se déchire. Non. Ça ne peut pas être ça. Je refuse que ça le soit. Il y a de l’amour entre nous, mais ça ne peut pas être celui là.
« C’est mon frère… » Le ton de ma voix n’est pas aussi assuré que je l’aurai voulu et ma remarque sonne comme une plainte déchirante. Une sorte de regret. Mais lequel ? Qu’il soit mon frère ? Ou que le reste soit impossible ? Norah m’attire dans ses bras et me serre contre elle.
« Mais vous n’êtes pas liés par le sang, il n’y a rien d’interdit là dedans, même si c’est un peu inattendu... » Inattendu… C’est peu de le dire. Je reste contre elle et fixe une photo de nous deux, Nate et moi, posée sur ma table de chevet. C’était une vieille photo. Je devais avoir treize ans. Lui vingt. Ressentait-il déjà la même chose à cette époque ? Tout est tellement confus…
« Tu trouves ça normal toi ? » Elle me caresse les cheveux et embrasse doucement le sommet de mon crâne.
« Je trouve surtout ça beau. La façon dont il te regarde, ce truc spécial qui vous lie l’un à l’autre… ça me rappel beaucoup tes parents… Ils étaient comme ça eux aussi. Leur relation était magnifique. » A l’évocation de mes parents mon cœur se serre. J’aimerai qu’ils soient encore là et que ce soit eux qui partagent cet instant avec moi. Tout serait alors différent. Nate et moi ne serions que des amis, et notre histoire serait peut être plus simple… Tout serait différent…
« Je ne sais pas. Je suis perdue Norah... » Elle lève mon visage vers le sien et nos regards se croisent.
« Écoute simplement ton cœur, Billie. Ne refoule pas ce que tu ressens, au contraire. Ecoute tes sentiments, et accompagne-les ». Puis elle dépose un baiser sur mon front et se lève.
« Il est sortie, mais tu devrais aller lui parler. Mettez-les choses au clair, une bonne fois pour toute. ». Et sur ces derniers mots, elle me laisse seule. J’hésite pendant plusieurs minutes. Écouter mon cœur. Plus facile à dire qu’à faire. Mon cœur était en train de m’entrainer vers un chemin qui m’était totalement inconnu. Je ne savais absolument pas dans quelle direction il m’amenait et ça m’effrayais. Cependant, la meilleure façon de le savoir était peut être encore d'emprunter ce chemin. Juste un instant. Faire quelques pas, voir si le voyage en valait la peine... Et si ce n’était pas le cas, il serait toujours temps de faire demi-tour… Les mains tremblantes, j’attrape finalement ma veste et sors à mon tour. Je n’ai pas besoin de marcher longtemps. Nate est assis seul, sur un banc au bout de la rue. Il ne me regarde pas quand j’arrive, mais je devine qu’il m’attendait. J’hésite un instant à parler, ne sachant pas encore ce que je vais pouvoir dire.
« Je suis désolé pour ce soir… » Je suis désolé si je te fais souffrir, Nate. « Non, c’est moi. Je n’aurai pas dû m’énerver. Tu es une fille libre, Billie. Tes choix t’appartiennent et je n’ai pas mon mot à dire. Mais c’est plus fort que moi. » Je m’installe à ses côté, pose une main sur la sienne. A son contact, un léger frisson me parcours et cette sensation me trouble. C’est agréable et effrayant à la fois. Pourtant je réalise qu’il est le seul à réveiller ces sentiments en moi. Il l’a toujours été, depuis des années.
« Je ne t’en veux pas. » Il lève enfin ses yeux vers moi et je me noie dans son regard. La petite flamme qui sommeille en moi s’éveille brusquement et embrase mon corps tout entier. Alors je réalise... Je réalise que ça ne sert à rien de continuer à lutter. Oui, cette fois c’est sur... Je veux lui montrer. Lui montrer que je n’ai plus peur. Que je ne veux plus reculer. Lentement, il entrelace nos doigts et serre les miens.
« Vraiment ? » Je serre les siens à son tour et rapproche mon visage du siens, effleurant sa joue de ma main restée libre.
« Oui, vraiment. Je suis une idiote. Je l’ai toujours été. Mais ça tu le sais déjà.» Il sourit à ma remarque et je ne peux m’empêcher de sourire à mon tour. L’atmosphère se détend tout à coup. C’est comme si le brouillard dans lequel nous étions plongés tout ce temps venait brusquement de se dissiper pour laisser passer les rayons du soleil et venir réchauffer nos cœurs. Lentement, il approche son visage du mien et nos lèvres se rencontrent. Mais cette fois je ne le repousse pas.
« Alors il faut croire que j'ai un faible pour les idiotes... Je t’aime Billie Hamilton. Je crois que je t’ai toujours aimé. » Je souris à sa déclaration et l’embrasse à mon tour.
« Je t’aime aussi Nate. » Et je suis à toi. Pour de bon, cette fois.2014. it's where my demons hide« Je te demande pardons Nate. Tout est de ma faute, tout est entièrement de ma faute… Je regrette tellement, si tu savais combien je regrette…». Je serre sa main aussi fort que possible tandis que ma vue se brouille de larmes que je ne cherche même plus à contrôler. Mais il ne me répond pas. Il ne peut plus me répondre désormais et cette vérité cruelle est comme une lame acérée que l’on m’enfonce jusqu’aux entrailles. La douleur me submerge, m’anéantit. Me coupe le souffle. J’ai l’impression que je ne pourrais plus jamais respirer. Tout ça n’est pas juste. Ce n’est pas lui qui devrait être là. Jamais il ne serait sorti si je n’en avais pas fais qu’à ma tête. Jamais il ne se serait retrouvé là.
Tu n’es qu’une égoïste, tu ne penses qu’à toi. Oui. Et je te demande pardon Nate. Je te demande pardon pour tout ça. T’avoir laissé. T’avoir laissé croire que le surf était plus important que toi. T’avoir laissé seul quand j’aurai dû être là… Ouvre les yeux, je t’en prie… Ouvre les yeux… Fais ça pour moi… Fais ça pour eux… Une main bienveillante se pose tout à coup sur mon épaule. Je sursaute, tirée brusquement de ma solitude. Une femme en blouse blanche me regarde.
« Dites-moi qu’il va se réveiller, je vous en prie dites-le moi… » Mais elle affiche simplement un air désolé.
« Je ne peux rien vous promettre mademoiselle… Le choc qu’il a reçu a été violent et pour l’instant on ne peut qu’attendre… Je suis désolé. » Mes larmes redoublent de violence et j’ai l’impression de tomber dans le vide. Tout est de ma faute… Tout est entièrement de ma faute… Si seulement je n’avais pas été aussi égoïste, si seulement je n’étais pas parti…
Si seulement… Le temps qui s’écoule me paraît interminable. Ça fait déjà quelques semaines que la tempête est passée et la ville se reconstruit doucement. Et moi… Moi je m’écroule petit à petit… Le garage est toujours debout. Mais l’ouragan a balayé la maison de nos parents et n’a pas épargné leurs vies. Aussitôt les souvenirs me reviennent… Les souvenirs de cette journée terrible, où les secouristes ont retrouvés leurs corps sous les décombres. Non, c’était une blague. C’était une blague n’est-ce pas ? Nate… Nate c’était pas suffisant ? Pourquoi ? Pourquoi eux ? Il n’avait pas le droit. Ce salopard d’ouragan ne pouvait pas m’arracher les trois personnes que j’aimais… Il n’avait pas le droit…
Tu n’es qu’une égoïste. Tu ne penses qu’à toi. Je n’ai que ce que je mérite. J’ai voulue m’enfuir sans me soucier de ceux que je laissais derrière moi. Aujourd’hui je les ai perdus et je réalisé combien tout ça n’avait aucune importance… Le surf, la Californie… Je vivrais volontiers un siècle à Lakeview si seulement ils me revenaient. Si Peter et Norah pouvait survivre au désastre, si Nate pouvait se réveiller… ô oui… Je pourrais vivre éternellement ici…
« Il est tard. Vous devriez rentrer mademoiselle… » La voix parvient jusqu’à mes oreilles mais me parait lointaine. Je lève lentement mes yeux encore embrumés sans vraiment savoir où je me trouve. Dehors, la nuit est tombée et je constate que je suis toujours à l’hôpital, dans sa chambre. Sa main dans la mienne, elle n’a pas bougé... Je hoche la tête et me relève doucement. L’infirmière me raccompagne jusqu’à la sortie et je la remercie.
« Ne vous en faites pas. Les médecins feront tout pour le sauver. Gardez espoir. ». Il pleut dehors. Il pleut et la nuit est sans lune. Les rues sont plongées dans la même noirceur que celle qui vient de toucher la ville. A croire que le ciel lui aussi est en deuil… Remontant le col de ma veste, je m’élance dans l'avenue. La pluie glaciale ne met pas longtemps à me tremper jusqu’aux os. Mais je ne la sens presque pas. Qu’importe. Le chemin sur lequel je marche n’est déjà plus qu’un désert froid et sans fin où il m'est impossible de faire demi-tour… C’est trop tard.
Tu n’es qu’une égoïste, tu ne penses qu’à toi. La réalité me gifle au visage mais la douleur n’est même plus suffisante pour me tenir éveillée… Oui, je suis une égoïste. Je le sais aujourd’hui. Je le sais, mais c'est trop tard. Ça ne pourra rien changer maintenant…
C’est trop tard…